Des Années de GuerrE et d'Engagement
- Rachel Mazuy

- 27 mars 2020
- 33 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 mai 2020
Les étudiants de l'Atelier art et politique ont travaillé sur les "années engagées" de certains artistes (Gerardo Dottori dans l'Italie fasciste - Elise FOUQUIER, Clovis SOLO, Paul MARGUIER ) ou sur l'itinéraire d'artistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Certains ont connu un destin tragique (Bedřich Fritta - Gustaw Szelka, Max Jacob - Antoine Asselin, Augustin Leclerq). Les autres traversent la période de manière plus trouble (Emil Nolde - Clovis Lereculeur). Une partie d'entre eux ont résisté ou témoigné par leur art (Otto Dix - Anna Emilie Wehrle, Théo Benegni, Victor Brauner - Paul Rivière, Franz Masereel - Leo Hervada, Eleuthère Lamare et Mouraz Daoudi), parfois en s'exilant (Marc Chagall - Eva Lambert). Certains se sont engagés dans la Résistance et ont aussi raconté l'expérience concentrationnaire (Boris Taslitzky - Hélyza Crichan et Lucie Grandjean).
Paul-Emile Blanchet, Portrait de Max Jacob, 1921, Musée des Beaux-arts de Rouen, CC - Wikipedia Commons (Giogo).
Paul Nash, Landscape of the Bagley Woods, 1943, National Gallery of Victoria, Melbourne (Australie), CC - WikiArt - source de l'image : https://www.wikiart.org/en/paul-nash/landscape-of-the-bagley-woods-1943
Bedřich Fritta, Arrestation à Theresienstadt, 1943 ou 1944, Jewish Museum Berlin, CC - Wikimedia Commons - Source de l'image : https://www.jmberlin.de/fritta/en/todesmetaphern.php
Emil Nolde, une légende allemande Clovis LERECULEUR
Faut-il distinguer l’Homme de l’artiste ? Cette question se pose sans cesse dans le débat public actuel, à l’heure où l’académie des Césars récompense un violeur condamné par la justice américaine. Il y a quelques mois de cela, et dans un certain anonymat, le débat ne se concentrait pas sur Roman Polanski, mais plutôt sur l’artiste allemand Emil Nolde, autour de qui se tenait jusqu’à l’automne dernier en Allemagne, puis en France, l’exposition intitulée « Emil Nolde, une légende allemande : l’artiste au sein du national-socialisme ».

Photographie d’Emil Nolde par Minya Diez-Dührkoop, Menschen der Zeit - Hundert und ein Lichtbildnis wesentlicher Männer und Frauen aus deutscher Gegenwart und jüngster Vergangenheit. Karl Robert Langewiesche Verlag, 1930 (Bild Nr. 98)
Terminée en septembre, l’exposition a suscité de vives discussions en Allemagne sur les relations entretenues par le peintre avec le régime hitlérien. Ces discussions furent d’autant plus virulentes qu’à la même époque, une adaptation cinématographique d’un des classiques de la littérature allemande, La Leçon d’Allemand de Siegfried Lenz, qui narre les aventures d’un peintre modelé sur la personne de Nolde. Le film de Christian Schwochow est un vrai conte de fée moderniste opposant d’un côté une société ouverte (et capitaliste) qui salue Nolde après la guerre comme un artiste moderne, donc forcément progressiste, persécuté par les nazis artiste moderne et de l’autre les nazis, forcément rétrogrades, notamment en matière d’art. Le souci est que ce roman puis le film brossent le portrait d’un artiste persécuté par le régime nazi, au mépris de la vérité historique.
L’ampleur de la polémique en Allemagne n’est pas à relativiser, loin de là. Autrefois adoubé par l’ensemble du pays, comme en atteste la présence de reproductions de ses œuvres dans les salles de classe, Nolde est devenu en quelque mois un paria dans les représentations collectives. L’instigatrice de ce mouvement demeure incontestablement la chancelière allemande Angela Merkel. Admiratrice parmi les admiratrices du peintre, elle décida d’ôter ses deux toiles de la Chancellerie, à savoir Blumengarten (Thersens Haus) de 1915 et Brecher de 1936. Pourtant ces deux œuvres ne sont pas à proprement parler des œuvres politiques : la première toile représente une vague noire menaçante surmontée d’un ciel sombre et rouge ; la seconde, une roseraie devant une maison blanche et basse typique du nord de l’Allemagne. Avant Merkel, d’autres chanceliers ne s’étaient pas caché d’être des admirateurs de l’œuvre de Nolde, à l’instar d’Helmut Schmidt qui œuvra pour l’organisation d’une exposition à sa gloire en 1982. Il ne faut toutefois pas s’y méprendre : la tendance nazie d’Emil Nolde n’était pas un secret de polichinelle. Ces éléments étaient connus à l’époque, mais vaguement, si j’ose dire, et sans en tirer des conséquences très précises pour l’évaluation faite de Nolde, comme si l’appartenance à l’avant-garde vaccinait contre l’infamie.
Mais qui était donc réellement Emil Nolde ? Il naît Emile Hansen en 1867 dans une commune aujourd’hui rattachée au Danemark. Attaché à sa campagne, il finira par prendre le nom de son village natal : Nolde. Il fut fortement influencé dans sa jeunesse par Van Gogh et Gauguin, dont il partage l’attraction pour un primitivisme idéalisé au possible par lequel il envisage sa propre germanité.
L’artiste est avant tout un peintre des paysages côtiers, de la ruralité et des bosquets fleuris, qu’il égaie via un style chatoyant, déferlant de couleurs qui préfigurera d’une certaine manière l’expressionnisme allemand. Nolde trouve dans cette explosion polychrome une porte de sortie aux conventions picturales de son époque. Il incarne en quelque sorte un peintre de la rencontre, motif qu’il utilise à foison au sein de ses œuvres. Ses natures mortes juxtaposent le vivant et l’inanimé, l’Occidental et le primitif, l’humain et l’animal. Cette récurrence symbolise la confrontation à une forme d’altérité, culturelle comme métaphysique. Ce cheminement esthétique, sorte de libération progressive des normes de la modernité, n’est finalement que le premier éveil de ses obédiences politiques et de vision fantasmée et animalisée de l’Autre.
Mais Nolde est également un fervent défenseur de ce qu’il nommera l’art allemand, à rebours de l’art des avant-gardistes des années 1910, francophiles et ouverts aux influences extérieures détériorant "la pureté de l’art germanique". Nolde, comme Paul Klee, avec qui il entretient des rapports cordiaux, est une figure solitaire de la modernité. Les liens qu’il a entretenus avec les groupes d’artistes, notamment Die Brücke (Le Pont), sont restés distants. Et comme ce dernier, il a nourri son œuvre d’un rapport au fantastique, à l’exotisme, et au grotesque. Ce trait apparaît très tôt, autour de 1895, quand il entame sa série de vues de montagnes, dans lesquelles des personnages cocasses sont dessinés dans les volumes alpins. Le peintre en fera même une série de cartes postales. A l’aube de la seconde moitié des années 1920, Nolde est d'ailleurs le peintre le plus populaire de la jeune République de Weimar par son talent qui fait de lui un artiste à part. Toutefois, le destin de Nolde semble prendre un tournant similaire à celui de l'Allemagne dans les années 1930 : la République de Weimar s'écroule et le NSDAP d'Hitler arrive au pouvoir.

Emil Nolde, Crucifixion (Détail), 1912, ©Stiftung Seebüll Ada and Emil Nolde Foundation, Neukirchen, Allemagne, Huile sur toile, 195x 220 cm, CC- Flickr - Source de l'image : https://www.flickr.com/photos/centralasian/6548840633
Le peintre est dans un premier temps invité par Heinrich Himmler à la commémoration du putsch de la Brasserie en novembre 1933, puis adhère ainsi dès 1934 au NSDAP, dont le discours culturel et artistique fait écho au sien, et Joseph Goebbels l’adoube publiquement. Il ambitionne rapidement de devenir un des peintres officiels du régime. Son ambition, associée à son réel antisémitisme, le conduit à dénoncer son collègue et ami Max Pechstein aux instances du parti nazi. Lorsque Pechstein, inquiet pour sa sécurité, lui a demandé des explications, Nolde se contente de lui répondre que ses questions existentielles ne l’intéressent pas.
Alors d’où vient cette réputation d’opprimé qui colla à la peau du peintre des années durant ? La réponse est à trouver du côté de la fameuse exposition de « l’art dégénéré » de 1937 à Munich, où furent réunies les œuvres rejetées par le régime. En effet, les peintures d’Emil Nolde accompagnèrent celles des Kirchner, Kokoschka et d’Hofer notamment. Le style expressionniste et tourmenté de l’artiste ne semble pas correspondre aux canons esthétiques du IIIe Reich, et déplait fortement à Adolf Hitler, qui préfère une peinture néoclassique et lisse qui symboliserait l’art pur, l’art allemand. Nolde vit très mal cette classification en tant qu’artiste dégénéré, comme l’atteste ces quelques mots écrits à l’attention de Goebbels en 1938 : « Au début du mouvement national-socialiste, j’étais presque l’un des seuls artistes à entrer en lutte ouverte contre l’envahissement de l’art allemand par des éléments étrangers… Mon art est un art allemand vigoureux et ardent. ».
Il tente par la suite par tous les moyens de se conformer aux attentes nazies. L’évolution de son art à partir de 1933 ne laisse pas de place au doute : Nolde adapte ses œuvres aux critères esthétiques du Reich, délaissant les peintures exotiques ou religieuses pour une multitude de paysages exaltant la mythologie nordique. En outre, il évite les sujets susceptibles de fâcher ce régime, que par ailleurs il trouve remarquable, et se met à peindre beaucoup de fleurs, thème ô combien peu compromettant. Pourtant, rien n’y fait : Nolde est exclu de l’Académie des Arts puis est interdit de peindre en 1941. Le peintre peint pourtant jusqu’en 1945 dans la clandestinité plus de 1 300 aquarelles, qu’il nommera Tableaux non peints. Ceux-ci contribueront à forger son image de persécuté aux yeux du grand public et deviendront un symbole de la résistance artistique face à la tyrannie, fable reprise par la plupart des commentateurs allemands après 1945.

Coquelicots, Emil Nolde, 1942, © Nolde Stiftung Seebull, Neurkichen (Allemagne), CC - WikiArt - Source de l'image : https://www.wikiart.org/fr/emil-nolde/large-poppies-1942
Cet empressement à se mentir en dit long sur le désir de l’Allemagne, alors, d’imposer l’idée, à travers notamment cette mythologie d’un art moderne nécessairement «résistant » et absolument opposé au nazisme, présenté comme une force du passé, selon laquelle la société de l’après-guerre n’a plus rien à voir avec le nazisme. Et c’est ainsi que Nolde a pu être le peintre préféré des chanceliers Helmut Schmidt et Angela Merkel.
La légende autour de l’artiste se forge à travers les décisions, ou plutôt les non-décisions, des autorités d’épuration au sortir de la guerre : réhabilité, il est considéré comme un martyr. Le peintre continua enfin jusqu’à sa mort à poser en victime, alors qu'il aura pourtant toujours cherché les faveurs du régime nazi, et n'a jamais renié ses convictions idéologiques et politiques.
Nolde prend soin d’enjoliver son histoire, et ce notamment dans ses mémoires, en exagérant l’interdiction de peindre dont il fut la cible ou via la suppression a posteriori de passages antisémites par la Fondation Ada et Emil Nolde, créée par le peintre pour prendre soin de sa postérité. A la mort du peintre, en 1956, celle-ci entretient l’image d’un artiste persécuté par le nazisme, interdit de travailler, privé de papier et de pinceaux et contraint à brosser quelques aquarelles de fleurs dans la clandestinité, et donc exclu du marché de l’art et dépouillé de son gagne-pain. C’est pourtant cette même fondation qui plus tard ébranla en premier le mythe Nolde, via la réouverture de ses archives à deux chercheurs indépendants, Bernhard Fulda et Aya Soika, afin qu’ils examinent la vie du peintre sous le régime nazi. Dès lors, les masques tombent. « Nolde se voyait comme le plus important pionnier de la lutte anti-juifs au sein du monde artistique, précise Bernhard Fulda. Il aimait se présenter comme un artiste méconnu, victime des artistes juifs avant 1933 ; victime des nazis après 1945. L’antisémitisme jouait chez lui un rôle central. Au point de vouloir proposer des solutions au « problème juif » qu’il voulait soumettre à Hitler, pour libérer l’Allemagne de ses juifs. ».
On est loin de l’image de l’artiste résistant et opposant nazi et il apparaît évident que l’antisémitisme de Nolde allait bien plus loin que ce qui était courant chez les artistes de l’époque. Mais remettre en cause Nolde n’est-il pas hypocrite de la part de la société allemande, quand le chancelier continue traditionnellement de s’asseoir chaque année au premier rang au festival de Bayreuth, consacré à la musique de Richard Wagner, lui aussi à l’avant-garde de l’antisémitisme en Allemagne[1] ? Quoiqu’il en soit le débat est lancé sur la place que doivent jouer valeurs morales et politiques d’un artiste dans l’appréciation de son œuvre.
Le propos n’est pas de dévaloriser la qualité des toiles produites par Nolde : celles-ci parlent pour elles. Elles sont sans aucun doute du grand art, et elles montrent que derrière le génie artistique peut aussi se trouver un personnage complexe, difficile, détestable. Mais l’art de Nolde, c’est de l’art allemand. Et celui-ci est aussi représentatif d’une tentation à refouler l’histoire du XXe siècle : une tentation à écarter le passé sans hésitation possible.
[1] Toute proportion gardée bien entendu, Wagner étant mort en 1883 et ayant vécu au sein d’une société où l’antisémitisme prospérait dans une large frange de l’opinion européenne.
La vie d'Otto Dix pendant la Seconde Guerre mondiale
Théo Benegni, Anna Emilie Wehrle
Otto Dix, un des artistes allemands les plus célèbres du XXe siècle. Il est très connu pour ses travaux sur la Grande Guerre. Cependant, sa vie pendant la Deuxième Guerre mondiale l'est beaucoup moins.

Hugo Erfurth (1874-1948), Otto Dix, 1933-34, Dresde, CC - Wikimedia-Commons - Source de l'image : lempertz.com
Le lien ci-dessous mène à un court reportage sur cette période de la vie de l'artiste :
Bedrich Fritta - seemingly forgotten artist in the shadow of the Shoah
Gustaw Szelka

A Portrait of the Artist Bedrich Fritta - a watercolor by Peter Kien (1919-1944), an inmate in the Terezin (Theresienstadt) ghetto, 1942-1944, CC- Wikimedia Commons - Donation Miriam Novitch - Source of the image : Ghetto Fighters House - https://www.infocenters.co.il/gfh/notebook_ext.asp?book=111155&lang=eng - The terror and unimaginable death toll that we attribute to German concentration camps have made the names of some them synonymous to great tragedies, bringing to mind stories of great sacrifices and enormous tragedies. Auschwitz, Brzezinka, Dachau, they all have made a name for themselves in the black book of Nazi war crimes. One place, however, have stayed under the radar in the eyes of general public, that is the camp of Theresienstadt.
Localized on the territory of the former Czechoslovakia, at the time named Protectorate of Bohemia-Moravia, after the annexation committed by the 3rd Reich in March of 1939. Historians estimate that since its opening in 1941, more then 150 000 people, mostly of Jewish origin, have been imprisoned in the camp, with one in three having their lives ended at the hands of the SS that were running the establishment. In 1944 the camp was used in a grotesque propaganda movie, directed by Kurt Gerron, which showed Jews which decided to voluntarily come to Theresienstadt seeking protection under the wings of the German Reich.
The absurd the production was, was of course very far from reality. The conditions on the interieur of the camp were horrific, not too different then those present in the more infamous localisations. The mortality rate among the prisoners speaks volumes of that. Some of them were contributing to the artistic environment of their respective regions, their deaths being terrible tragedies not only to their loved ones, but also to the world of art.
One of them was Bedrich Fritta, a painter and an illustrator to which this short article is devoted.
Fritta - documenting the daily
Bedrich Fritta was a Czech-Jewish artist, born in 1906 in the town of Visnova in the northern part of Bohemia. Since Fritta was not an artist of a world format, nor had he received much recognition outside of Czechoslovakia during his lifetime. Because of that, most of the things we know about his pre-war life comes from the memories and private archives of his family, as well as some remains of his professional life from the 1930s. While there isn’t any information accessible about his education, and whether he had received some training in the field of arts and sketching, we do know about his employment. For a long time, he employed his skills in the service of jest and ridicule, having cooperated and worked for some Czechoslovak magazines that specialised themselves in satirical content. Among others, he worked in the field of political satire for the Prague-based magazine entitled Simplicus, where he was drawing and sketching under the pseudonym Fritz Taussig.
His life and career got derailed with the outbreak of World War II in Europe, or even before, in March 1939. That is when the bohemian part of the second Czechoslovak republic got annexed by the expansionist German Reich, transforming it into the so-called Protectorate of Bohemia and Moravia. Effectively a part of the nationalistic and fanatically antisemitic Germany, the discriminatory laws that were targeting Jews in Hitler’s country, now also applied to Czech Jews, Fritta and his family included.
Under the German Nuremberg clauses, all the Jewish citizens were losing their citizenships as well as their equality in the eyes of the law, a fate that most certainly had also befallen the artist. We can only speculate in that field, but it is highly probable that the magazine in which Fritta was working in got shut down as the censorship apparatus could not tolerate satire in the Nazi regime. As for the artist, chances of finding an employment appropriate to his manual skills were rather slim. Having lost their rights as citizens, people of Jewish origin were excluded from professional workforce and had to limit themselves to the simplest of jobs, something Fritta would have to do as well.
View from the inside of Theresienstadt
Such life would end for him in 1941 as his family and him got relocated to the newly established concentration camp in Theresienstadt, in the northern part of Bohemia. It was a very peculiar camp in the German system, as it was in the propaganda effort of the regime. The aforementioned film directed by Kurt Gerron made out Theresienstadt to be a place where all the Jews wanted to go voluntarily, where their quality of life improves. However, the propaganda went beyond the cinematography. The administration of the camp employed a group of skilled artists that were supposed to idealize the life inside of their new, terrifying home. Bedrich Fritta was among them, having received one more opportunity to put his skills to use.
The arts group which aside from Fritta included names like Norbert Troller, Leo Haas, Otto Ungar or Petr Kein. All of them were employed by the Germans in order to either make drawings of the camp for propaganda usage, or sketches used for structural purposes by the SS. In the spare time however, having the access to materials needed, the artists were making works that showed the real face of the Theresienstadt camp. Out of these works, the ones made by Fritta are perhaps the most famous and influential.

Bedřich Fritta, Art work from the Theresienstadt ghetto, 1943-44, Jewish Museum Berlin, CC- Wikimedia Commons - Source de l'image : Jewish Museum Berlin The drawings, which nowadays can be seen during dedicated expositions such as the one organized in Berlin Jewish Museum in 2013, allow us to take this unique look into the nightmarish reality of life in the heart of one of the infamous German concentration camps. In one of his works entitled “Coulisses pour la commission internationale” (pictured above), we can see some reminiscence of his days of satire. He pictures the process in which the Germans were creating the illusion of an ideal town for the sake of their movie. The facades of elegant stores quickly put together contrast the barbed wires and crates in the windows of rooms in which the Jewish prisoners are confined.

Bedřich Fritta, In the Living Quarters, Drawing from the Theresienstadt ghetto, Between 1941 and 1944, Donation Miriam Novitch, CC- Wikimedia commons - Source de l'image Ghetto Fighters House In a different drawing, entitled “An evening in the barracks”, we get to see an image that has become somehow emblematic for the Holocaust era. The inside of a barrack in which the prisoners sleep is a truly hellish scene. Dozens of people are stuck on top of one another on just a couple of square meters, old, young, no matter the age or gender, all of them are squashed together like sardines, visibly malnourished and deprived of any happiness. Their silhouettes, skeleton-like figures make us think of depictions of medieval Europe struck by the plague, or images of hell.

Bedřich Fritta, To Tommy on his 3rd Birthday in Terezin, 22 janvier 1944, Samuel Gruber's Hewish Art &Monuments, CC- Wikipedia Commons - Source de l'image : Samuel Gruber's Jewish Art & Monuments However, the most interesting sketch is the one that doesn’t treat the realities of life within Theresienstadt, at least not the negative ones. It is the drawing he has made for his son, Tommy, for his 3rd birthday. It is a picture opening a series of sketches made for him in order to show him some aspects and joys of living outside of the camp, outside the time of war. It is a very touching tribute, made to a child which never knew a different reality then living within the walls of Theresienstadt. The birthday wishes, accompanying a picture of his son standing on a box and looking out the window serve as a big contrast to other works of Fritta from this period. There is something inherently positive sealed within this image. Seeing a boy staring into the distance throughout the window seems like a message of hope, a promise of a better future for the next generation.
Unfortunately, Bedrich Fritta didn’t live to see his son see that future. In 1944 his drawings were discovered and as a result the Germans had him moved to Auschwitz-Birkenau where he was killed, just 2 months before the liberation of the camp. His legacy however, lives on, as his descendants share the works of Fritta with the world, allowing all of us to see a glimpse of the monstrosities of Theresienstadt from inside out. It is thanks to Frittas’ grandson, David Haas, who now calls himself a “proud German, and a proud Jew”, that we get to see the works of his grandfather, just like it was in Berlin. David, being the son of little Tommy from the drawing, is a walking and breathing testimony of that better future that Bedrich Fritta was dreaming of.
VICTOR BRAUNER, L'ART COMME RÉSISTANCE AU COURS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
PAUL RIVIÈRE

Victor Brauner, Timbre Victor Brauner, auteur inconnu, 2003, Poste roumaine - CC - Wikimedia Commons - Source de l'image : [authority_id]
Un artiste surréaliste
Victor Brauner naît en 1903 à Pietra Neamț en Roumanie dans une famille juive. Alors qu’il est encore tout jeune, éclate en 1907 une grande révolte paysanne liée à la famine qui va complètement secouer la Roumanie. Il est donc confronté dès sa plus tendre enfance à une pauvreté extrême ce qui est, sans nulle doute, un des facteurs des convictions communistes qu’il développera plus tard. En 1913, la famille Brauner part s’installer à Hambourg. Elle va ensuite à Vienne et finit par se fixer à Bucarest en 1918. Victor Brauner est donc un homme de l’Europe centrale, mais son intérêt pour le mouvement Dada (il publie une revue Dada en 1924) le pousse à suivre son frère et à se rendre en France entre 1925 et 1926 pour un bref séjour. Il y découvre Giorgio De Chirico et les surréalistes. Il retourne à Paris en 1930 et y demeure jusqu’en 1934. C’est au cours de ce deuxième séjour qu’en 1932 il va réaliser sa première œuvre remarquée : L’étrange cas de Monsieur K où il reprend une figure satirique inventée par Alfred Jarry. Suite à cela il va avoir droit à sa première exposition parisienne dont André Breton préface même le catalogue. Il repart alors en Roumanie pour ne revenir de façon définitive en France qu’au printemps 1938, alors qu’il fuit la terreur nationaliste et antisémite de la Garde de fer roumaine. Il se remet à fréquenter les surréalistes parisiens et perd son œil gauche dans une bagarre entre Oscar Dominguez et Esteban Francès. Or, depuis des années lui apparaissaient des prémonitions de figures énuclées. Il avait même réalisé sept ans auparavant un Autoportrait à l’œil arraché.
La villa Air-Bel
Après la défaite de juin 1940, Victor Brauner se réfugie à Perpignan dans la famille de Robert Pius, figure importante de la résistance surréaliste en France qui mourra fusillé en 1944. Il change ensuite très souvent de lieu d’habitation pour ne pas être inquiété par le pouvoir vichyste, effectuant malgré tout un passage en résidence surveillée. Après cela il se rend à la villa Bel-Air, à Marseille, où résident d’autres artistes et intellectuels comme André Breton, Wifredo Lam ou encore Victor Serge. Les surréalistes y recréent une micro-société et le lieu apparaît comme une hétérotopie au milieu de la France de Vichy. La villa Bel-Air est en effet un espace « sûr » mis en place par le journaliste américain Varian Fry et placé sous le patronage d’Eleanor Roosevelt. Celui-ci est en effet mandaté par l’Emergency Rescue Committe des Etats-Unis pour attribuer deux cents bourses à « certains des meilleurs scientifiques et universitaires européens », souvent antifascistes ou juifs, et ainsi les aider à rejoindre l’autre côté de l’Atlantique. Ses habitants l’ont ainsi renommée « le Château Espère-Visa. »
L’œuvre (cliquez sur le lien si dessus) est révélatrice de l’hétérotopie que constituait la villa Bel-Air. C’est un projet pour l’une des cartes du Jeu de Marseille, qui est une réinvention du jeu du Tarot de Marseille par les surréalistes. Ces derniers apprécient en effet sa portée ésotérique, mais veulent éliminer toutes les références à l’Ancien Régime qu’il contient. Le roi et la reine sont ainsi remplacés par les figures du génie et de la sirène qui prennent les noms de personnages de l’imaginaire surréaliste comme Freud, Baudelaire ou Novalis. Victor Brauner fait le choix de représenter la médium suisse Hélène Smith et le philosophe Hegel. Celui-ci remplace le roi de trèfle et est personnifié sous la forme du génie de la connaissance : la dialectique hégélienne étant perçue comme une clé permettant de « se faire voyant » (ce qui explique la présence d’une serrure au niveau de l’œil) et d’atteindre le stade de la surréalité.
De Marseille aux Hautes-Alpes
Brauner n’arrive cependant pas à obtenir le précieux sésame. Il est trop peu connu aux Etats-Unis, contrairement à ses amis André Breton ou Marcel Duchamp. Resté à Marseille, il travaille pour Sylvain Itkine, comédien de théâtre juif, qui a fondé une société coopérative alimentaire de pâtes de fruits, nommée « Le Fruit mordoré », servant de façade à des activités de résistance. Certains artistes le soutiennent, à l’exemple de Pablo Picasso qui lui envoie 2 000 francs par le biais de Dina Vierny, collectionneuse d’art qui veut le faire exposer en jouant de ses contacts avec l’un des plus grands galeristes de l’époque : Louis Carré. Celui-ci finit malheureusement par refuser. Victor Brauner se sait toutefois en danger à Marseille. Il va donc s’abriter en Provence, aidé par le poète René Char, cette région apparaissant en effet, à l’époque, comme un refuge pour les artistes. Accompagné de sa femme et d’un ami, il va finalement trouver une cachette jusqu’à la fin de la guerre chez des paysans au hameau des Celliers de Rousset dans les Hautes Alpes.
L’art comme résistance
Juif, étranger et communiste, Victor Brauner semble faire partie des personnes les plus vulnérables dans cette France de Vichy occupée. Selon le spécialiste de son œuvre, Didier Semin : « Si vous lisez sa correspondance pendant ces années-là, vous découvrez un homme démuni face à la réalité, inadapté ». Ce serait peut-être là l’explication de sa capacité à survivre : Brauner est persuadé qu’il existe un ordre de réalité autre, auquel seul l’art permet d’accéder, un monde où il est libre, loin de la guerre. Il était aussi convaincu de l’alternative que portait intrinsèquement l’art. Pour lui, l’art est résistance. Alors qu’il fait partie des personnes les plus menacées, il continue de peindre, de construire ce monde autre. Là où il se trouve il ne peut bien évidemment disposer de toile et de peinture à huile, mais cela ne l’arrête pas. Il développe alors une technique très personnelle à partir de cire et de brou de noix qui selon les critiques fait toute l’originalité de son œuvre.
Faite d’incision de papier avec pour seuls matériaux de la cire et et du brou de noix l'œuvre ci-dessus est un bon exemple du style que développe Victor Brauner dans les conditions difficiles de sa cache dans ce petit village des Hautes Alpes. Selon ses mots : «Sur une feuille de papier blanc, on frotte librement et avec force une bougie, de manière à y apposer de la cire en abondance. On passe ensuite sur toute cette étendue une couche d’encre de Chine délayée dans de l’eau. Une fois le liquide séché, on gratte légèrement avec un objet pointu, le dessin que l’on désire obtenir. On passe à nouveau sur toute la surface le mélange d’encre de Chine et d’eau ; on attend que tout soit sec, et on gratte, cette fois-ci le tout au moyen d’un couteau, de manière à enlever la cire. Il reste un dessin d’une qualité tout originale et inconnue. » Cela donne une sort d’art brut, influencé par les civilisations anciennes et les sciences occultes, notamment les séances de spiritisme que pratiquait son père et auxquelles il assistait en secret, alors qu’il n’était qu’un enfant. On peut le voir avec les symboles dessinés sur le haut du profil : lettres de l’alphabet hébraïque, écriture bouletée... Le quadrillage de la tête rappelle une prison, faisant écho à la situation de l’artiste au moment de la réalisation de l’oeuvre. Selon Didier Semin on peut y voir « la figure de l’androgyne primordial », représentation de l’amour absolu surréaliste.
Poésie, liberté et peinture
Victor Brauner n’a certes pas pris les armes : il ne le pouvait pas avec sa santé fragile (au cours de son passage à la Villa Bel-Air, il est ainsi tombé gravement malade) et ses origines roumaines et juives qui faisaient déjà de lui une cible privilégiée pour le régime de Vichy et les occupants. Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas mené de combat ; il a mené celui-ci par l’art, dénonçant les fascismes et créant par la poésie de ses dessins, faits à partir de petits bouts de rien, des possibilités de liberté. « Poésie, liberté et peinture sont absolument la même chose » selon les mots de Max Ernst, surréaliste lui aussi passé par la villa Bel-Air.
Marc Chagall et la résistance à travers l'art
Lambert Eva NB. : Pour voir certaines des oeuvres, cliquez sur leur nom.
INTRODUCTION
L’œuvre de Chagall oscille constamment entre une représentation réaliste du monde et sa propre interprétation. Né en 1887 et mort en 1985, Marc Chagall est un artiste franco-russe aux origines juives. Son œuvre présente des caractéristiques du surréalisme et du néo-primitivisme et elle est fortement inspirée par la tradition juive, la vie du shtetl et le folklore russe. Nombreuses de ses oeuvres sont reliées à sa vie intime.
En 1914, Chagall est en Russie, piégé par la déclaration de guerre. Il assiste depuis Vitebsk aux déplacements des populations et des soldats qui partent à la guerre. L’auteur illustre cette sombre période par des dessins noirs et blancs. Il témoigne aussi de la vie quotidienne des habitants de Vitebsk : « Je peignais tout ce qui me tombait sous les yeux. » (phrase tirée de son oeuvre Ma Vie). Chagall peint des membres de sa communauté, juive, et les mendiants de Vitebsk servent de modèles à bon nombre de portraits de rabbins.
LE RÊVE ET L’ENTRE-DEUX-GUERRES
« Dans ce pays d’apesanteur où rien ne différencie l’homme de l’oiseau, l’âne habite le ciel, il se fait cirque de toute chose, on marche si bien sur la tête » (Aragon).
Si nombre de ses oeuvres issues de la Première Guerre mondiale sont peintes de manière réalistes, il s’oriente vers une peinture qui semble surréaliste pour dépeindre l’entre-deux-guerres. Néanmoins, il ne s’inscrit pas dans le mouvement surréaliste dont André Breton est le fer de lance; il développe en quelque sorte son propre courant. De ce fait, il est impossible de qualifier ses oeuvres de surréalistes, même si elles s'en rapprochent par certains aspects.
Ainsi, il représente régulièrement des figures et animaux hybrides, colorés. En effet, le rêve est l’un des thème favoris de l’artiste qui peint les images du rêve, un monde entre fiction et imitation du réel propre aux pensées de l’auteur. Le caractère onirique des ses oeuvres est aussi visible à travers la sensation d’apesanteur et d’univers magique qui ressortent de ses tableaux. En 1927, il peint Le Rêve, un tableau qui décrit une nuit de pleine lune; la terre a pris la place du ciel. Un âne-lapin traverse le plan dans un univers irréel. Ce côté irréel, s’apparentant fort bien au rêve, peut être interprété de diverses manières.
Ainsi, selon mon opinion, les années d’après Première Guerre mondiale ont été vécues, par certains comme une période d’apesanteur, voire de quasi légèreté. Ce qu'on appelle "les années folles" : une période intense marquée par une forte activité sociale, culturelle et artistique commençant en 1920. Ce phénomène est évoqué à travers l’ouvrage de Paul Morand, L’Homme Pressé. Ainsi, on pourrait dire que la peinture de Chagall exalte aussi cette idée de lâché prise et d’effervescence. Les couleurs viennent exprimer ce rêve éveillé des années folles.

Marc Chagall, Le Rêve, 1927, DR, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, CC- FlICKR, Source de l'image : Grégory Lejeune.
Pourtant, dans la Russie d'après 1917, loin de cette "légèreté", Chagall s'est engagé aux côtés de la jeune Révolution. Il dirige pendant plusieurs mois la nouvelle École artistique de Vitebsk où se retrouve une partie des artistes de l'ancien Empire (Iouri Pen, Malévitch...). En 1922, il quitte cependant la Russie soviétique pour Berlin, puis Paris où il commence de plus en plus à se faire connaître.
CHAGALL ET LA TRADITION JUIVE
Chagall est resté toute sa vie attaché aux traditions de la communauté juive hassidique de Vitebsk (le Shtetl). Cette dernière devient une source d’inspiration première pour l’artiste qui intègre à son oeuvre de nombreux éléments de la culture juive :
La menorah : chandelier à sept branches qui représente la lumière spirituelle et la présence divine
Le rouleau de la Torah portant le texte des 5 premiers livres de la Bible.
Le talith : châle de prière
Le shofar : instrument de musique à vent fait à partir d’une corne de bélier
Les Tables de la Loi : tables de pierre où sont inscrits les Dix Commandements.

Marc Chagall, Le Père, 1911, DR, Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, CC - Wikimedia Commons - Source de l'image : Musée d'art et d'histoire du Judaïsme Chagall représente aussi les personnages en habits traditionnels. Il évoque très tôt la culture juive des Shtetl de l'Empire russe, montrant aussi les pogroms et l’antisémitisme. La représentation des menaces qui pèsent ou ont pesé sur la communauté juive traversent son oeuvre. Ainsi, dans le tableau With the Jewish Torah (1968-1976 - collection particulière), on peut voir un vieillard un peu courbé et errant au dessus de la ville. Le cadre est sombre, mettant en relief la couleur rouge de la Torah. Le vieillard semble triste, vidé de tout espoir. D’autres peintures plus anciennes telle que The Praying Jew (1923) aborde ce thème du judaïsme auquel Marc Chagall est attaché.
Mais, alors que dans les années 1920, il utilise de nombreuses couleurs pour dépeindre son ressenti, dans des formes souvent abstraites; la montée du nazisme lui inspire ensuite une peinture bien plus sombre et souvent concentrée sur la communauté juive.
Ainsi, très tôt, Chagall s’engage aux côtés des populations juives. Plusieurs de ses toiles seront alors brûlées par les Nazis en autodafé en 1933. D’autres seront présentées à l'exposition sur l'art dégénéré organisée à Munich en 1937.
L’EXIL AUX ÉTATS-UNIS
Au début des années trente, Chagall, voyage beaucoup. En 1937, il prend la nationalité française pour se fuir l'antisémitisme de l'Europe centrale. Mais avec l'occupation du territoire français, les autorités nazies saisissent ses œuvres. Menacé, l’artiste choisit alors de quitter Paris et de se rendre alors au Sud de la Loire. Malheureusement, l'application des lois antisémites de 1940 conduisent à son arrestation au printemps 1941. Il ne doit son salut qu'à l'appui du journaliste américain Varian Fry qui lui permet de s'exiler aux États-Unis. Il s’installe à New York où il retrouve plusieurs artistes et poètes juifs exilés.
Loin de l’Europe, Chagall suit de près les évènements tragiques qui frappent sa communauté. Guerre, persécutions ou encore villages en flammes hantent alors ses tableaux. Ses peintures deviennent sombres, sans vie. Mais dès les années précédant la guerre, aux références de la culture juive se mêlent de plus en plus des références chrétiennes. Il insiste de plus en plus sur le thème de la crucifixion qui représente pour lui la souffrance humaine. Point tournant de son oeuvre, il peint ainsi en 1938, une Crucifixion Blanche (Marc Chagall, White Crucifixion,1938, Art Institute of Chicago). La figure du Christ sur la croix est accompagnée d'objets rituels du judaïsme comme le chandelier, faisant ainsi de Jésus un martyr juif. En effet, à gauche du tableau on retrouve les persécutions subies par les Juifs avec notamment, à la droit du Christ, la profanation par une « chemise brune » d'une synagogue surmontée d'un drapeau allemand. Aux pieds du Christ des Juifs semblent fuir cette situation chaotique. L’idée de crucifixion peut aussi être interprétée comme une probable résurrection de la communauté juive victime de persécutions. Le message de Chagall pourrait alors aussi se traduire comme un message d’espoir.
En 1942, le Comité Antifasciste Juif est créé avec le soutien des autorités soviétiques. Ce comité était placé sous l'autorité du Sovinformburo et son principal but était alors d'influencer l'opinion publique internationale afin d’obtenir un soutien mondial du combat de l’URSS contre l’Allemagne nationale-socialiste. De nombreux meetings furent donc organisés dans le monde occidental afin de rallier un maximum d’individus à la cause antifasciste. Dans ce cadre, en 1943, Solomon Mikhoels et Itzik Fefer, représentants officiels de la communauté juive soviétique, embarquent pour une tournée aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique et en Royaume-Uni, afin de récolter du soutien. Arrivés aux Etats-Unis, il sont accueillis par un Comité de réception national, notamment présidé par Albert Einstein. Se déroule alors le plus grand rassemblement pro-soviétique jamais tenu aux États-Unis, auquel Marc Chagall se rend personnellement. De ce fait, s’il n’est pas considéré comme un membre officiel du Comité, il partage l’idée d’antifascisme.
Chagall ne prend cependant jamais réellement part à la cause antifasciste en militant, que ce soit avant ou pendant la guerre. C'est avant tout à travers ses oeuvres, entre les deux guerres et après la Seconde guerre mondiale, qu'il témoigne de son profond face à l'antisémitisme et face aux atrocités commises par les nazis. Son art est ainsi révélateur de ses pensées les plus sombres et de sa souffrance.
Gerardo Dottori et le fascisme italien, entre art futuriste et engagement politique
Elise FOUQUIER, Clovis SOLO, Paul MARGUIER
NB. : Cliquez sur le nom des œuvres (en bleu) pour les découvrir !
Gerardo Dottori est un artiste peintre italien. Né en 1884 et issu du milieu populaire, il intègre très jeune l’académie des beaux-arts de Pérouse. Dès l’âge de 24 ans, il intègre les mouvements avants-gardistes de Florence. L'année 1911 marque un tournant dans sa vie d’artiste puisqu’il fait la rencontre de Giacomo Balla à Rome. En effet, celui-ci l’introduit au futurisme. C’est ainsi qu’en 1912 il rejoint le premier groupe futuriste en Ombrie et fonde le sien en 1920. Le mouvement futuriste est né aux alentours de 1909 en Italie avec la parution du Manifeste du futurisme par son fondateur, F.T. Marinetti. Le futurisme se caractérise par un rejet du passé, allant jusqu’à souhaiter la destruction des musées, afin de privilégier le futur. Le mouvement met en avant une nouvelle forme de beauté à travers la représentation de la voiture, du bruit, de la guerre, de la virilité, du mouvement. Ils considèrent souvent la guerre comme une forme de beauté. Cette esthétique a couvert tous les arts. Très vite, en Italie, la peinture futuriste est devenu un soutien du mouvement fasciste italien. Le futurisme italien, en glorifiant notamment Mussolini, a ainsi été politisé en faveur du fascisme.
Gerardo Dottori est un aéro peintre, laissant une large place aux paysages et au ciel dans ses tableaux. En adoptant un point de vue aérien et utilisant des formes très géométriques, l’impression de perspective nous emmène dans une réalité nouvelle. L’aéropeinture, fondée en 1929 par Gerardo Dottori et ses amis, s’est présentée comme étant le prolongement du futurisme dans l’Italie fasciste. En 1941, il écrit un Manifeste ombrien d'aéropeintur, dont il précise les principes fondés sur une représentation mystique des atmosphères et des paysages.
Jusqu’à sa mort en 1977, Dottori peint ainsi des tableaux futuristes, aux lignes dures et distinctes, tout en y apportant une touche de lyrisme. Marinetti affirme de Dorotti qu’il a transformé le courant futuriste d’Ombrie en apportant de la modernité dans sa façon de représenter les paysages dans ses oeuvres. Artiste de son temps, il a su s’imprégner des codes artistiques de son époque tout en se les appropriant, laissant ainsi derrière lui une oeuvre d’une très grande richesse.
Tout au long de sa carrière artistique, Dottori a aussi régulièrement abordé le sujet de la religion, comme le montre son tableau Crocifissione réalisé en 1927. En effet, il questionne aussi la place de l’homme dans la société moderne (La luce dell’antica madre, 1937; Saltatore con l’asta, 1934) et l’importance des machines industrielles (Studie dür “l’apocalisse”, 1930), du progrès technique.
Gerardo Dottori, Crocifissione, 1927, Musée du Vatican, Rome, Huile sur toile, cm 170 x 133, Don Tancredi Loreti, 1980, Inv. 24650.
Nous pouvons donc retrouver chez les oeuvres de Dottori la manière avec laquelle il intègre et synthétise le futurisme fasciste.
Gerardo Dottori, Un italiano di Mussolini , Rittrato aeri di Mario Carli, 1931 et Polittico della Rivoluzione fascista, 1935, Galleria d’Arte Moderna/ Polittico della rivoluzione fascista, Gênes.
Gerardo Dottori a produit de nombreuses oeuvres futuristes imprégnées de l’idéologie fasciste, et fondées notamment sur une glorification de Mussolini. C’est notamment le cas d’une peinture réalisée en 1931, nommée Un italiano di Mussolini. Rittrato aero di Mario Carli (Un italien de Mussolini. Portrait aérien de Mario Carli, 1931, Musée de Gênes, Gallerie d'art moderne). Sur cette peinture, le portrait de Mussolini surplombe d’une manière presque divine le tableau, et vient éclairer Mario Carli, représenté au centre du tableau. L’aviation est également représentée, comme sur de nombreuses peintures de Gerardo Dottori et du mouvement futuriste plus généralement. Mario Carli était un écrivain et journaliste italien, ayant adhéré au futurisme en 1910, suite à sa rencontre avec Marinetti. Il est même à ses côtés et à ceux de Mussolini lors de la réunion de fondation des Faisceaux italiens de combat en mars 1919, la première incarnation politique du mouvement fasciste qui constituera le noyau du Parti national fasciste de Mussolini. La peinture de Gerardo Dottori, par ses sujets représentés (aviation, Mussolini et Mario Carli) et la glorification du futur Duce, est clairement représentative du futurisme au service de l’idéologie fasciste.
Une autre oeuvre significative de la sympathie du peintre Dottori pour le fascisme, retranscrite par sa peinture futuriste, est la production d’un Polyptique fasciste (Polittico della Rivoluzione Fasciste, 1934-36, Galerie d'art moderne, Rome) entre 1934 et 1936. Des forces armées y sont représentées, ainsi que des personnes alignées brandissant des drapeaux. L’artillerie militaire est présente sur plusieurs parties du Polyptique de composition quasi cubiste, que Mussolini vient surplomber. Il apparaît comme le guide des foules et des éléments peints. Il s’agit ici encore d’une oeuvre futuriste politisée au service du fascisme de l’Italie mussolinienne.
La luce dell’antica madre, 1937, Museo di Pallazo della Penna, Pérouse (Italie)
Son oeuvre, La Luce dell’antica Madre, datée de 1937, témoigne de l’inscription de Dorotti dans la mise en avant de l’inspiration antique du fascisme mussolinien. On y voit le Colisée et la Basilique Saint Pierre, conjugaison de la romanité et de l’âme catholique sacrée de l’Italie, avec, au premier plan, la représentation d’hommes nus ou presque nus, au labeur, qui évoquent la construction de l’Histoire millénaire de la Péninsule, louée par Mussolini dans ses discours. En arrière plan, on observe les navires, constitutifs de l’ambition impériale italienne, qu’elle soit antique ou fasciste, la conquête de l’Ethiopie (1935-36) étant encore toute récente. Les lignes géométriques blanches qui parcourent le tableau diffusent comme une lumière émanant des monuments et des hommes, apportant l’idéal de civilisation tant vanté par les fascistes italiens. On peut sentir ici que Dorotti combine le futurisme artistique avec une apologie du passé qui lui est originellement étrangère. Par ailleurs, le peintre, influencé par ses origines de l’Italie centrale, porte, on l'a dit, une attention particulière à la représentation des paysages comme à la présence du sacré dans ses oeuvres, apportant une sorte de légitimité chrétienne au régime fasciste. Son tableau de 1927, Crocifissione (lien vers l'image plus haut), représente un Christ crucifié aux pieds duquel se lamentent deux femmes, thème artistique par excellence, ici réécrit par Dottori. On peut lire ici la combinaison de l’inspiration religieuse avec la modernité artistique futuriste. Ainsi, Dottori participe de la création et de la diffusion d’un imaginaire fasciste par ses travaux.
Saltatore con l’asta, 1934, Collection particulière.
En 1934, Gerardo Dottori peint le tableau Saltatore con l’asta (Sauteur à la perche). Il représente un sauteur à la perche en plein effort. En dessous de l’athlète et de la barre, nous pouvons découvrir un train en pleine marche et dans le ciel, plusieurs avions et leur traînées. Dottori a donné à son oeuvre des traits géométriques très marqués. Cette caractéristique témoigne parfaitement du futurisme fasciste qui transparaît dans son oeuvre. En effet, ces formes très droites mettent en valeur le corps sculpté de l’homme qui devient ainsi l’élément central du tableau. Or, la dimension physique de l’Homme nouveau au service de la nation, est central dans le fascisme italien. Le Duce lui-même a été élu premier sportif italien et est représenté dans de nombreuses affiches de propagande, tantôt pratiquant l’escrime, tantôt en cavalier. Dès les années 20, l’évènement sportif est utilisé à des fins de propagande en Italie. Ainsi, le tableau Saltatore con l’asta de Dottori s’inscrit pleinement dans cette dynamique de propagande fasciste, où l’homme sportif, conquérant, est mis en premier plan pour représenter une Italie moderne et puissante.
A partir de l’exemple de la vie de Gerardo Dorotti, de ses oeuvres et de sa spécificité au sein du mouvement futuriste, on peut mettre en évidence la relation entre l’État et l’art dans les années 1920 et 1930 en Italie fasciste. Cela montre aussi la manière dont le fascisme a altéré le mouvement futurisme dans ses propres objectifs. On sent chez Dottori une volonté de se faire le messager de certains aspects de la politique du Duce. Cependant, le régime fasciste italien ne se caractérise pas par une emprise totale de l’État sur l’art, qui deviendrait alors un outil de propagande futuriste total. La politique artistique mussolinienne est plus complexe.
La récupération du mouvement culturel futuriste se fait avant tout par opportunisme politique. Le Duce ne pense pas avoir à créer un art d'État, même s’il reconnaît la nécessité de donner une impulsion à un art fasciste : “Nous ne devons pas rester des contemplatifs, nous ne devons pas profiter du patrimoine du passé. Nous devons créer un art nouveau, un art de notre temps, un art fasciste.”. Mais cet art n’est pas proprement futuriste dans la mesure où celui-ci est amendé avec l’idée d’une apologie de la romanité, sur laquelle le nouveau régime se fonde. Mussolini défend ainsi l’héritage antique comme inspiration : “Rome est notre point de départ et de référence ; elle est notre symbole ou, si l’on veut, notre mythe. Nous rêvons l’Italie romaine, c’est-à-dire sage et forte, disciplinée et impériale. Beaucoup de ce qui fut l’esprit immortel de Rome renaît dans le fascisme.”.
Alors, à partir de ce corpus idéologique, le régime crée une nouvelle Académie Italienne et encourage les expositions, toutes censées apporter cette impulsion à l’art fasciste, combinaison de la modernité avec l’inspiration antique et sacrée, comme en témoigne le travail de Gerardo Dottori. Celui-ci, prenant part aux événements culturels majeurs à Rome ou à Venise, s’inscrit donc bien dans ce contexte particulier, d’une politique artistique fasciste d’impulsion, à la croisée d’influences culturelles multiples, du futurisme, apologie de la modernité, à la référence antique et à l’ancrage historique du récit fasciste.
Gerardo Dottori est donc un exemple particulièrement intéressant d’artiste sous un régime fasciste pendant les années 1920 et trente, car il illustre comment l’art et le politique s’influencent mutuellement, conduisant à l’émergence de nouveaux courants, de nouvelles conventions et de nouveaux travaux.
Frans Masereel : de la sculpture au combat.
Leo Hervada, Eleuthère Lamare et Mouraz Daoudi.
Frans Masereel (1889-1972) est un peintre belge, qui s'est démarqué par un style singulier qu'il n'a cessé de développer dans son domaine, la gravure en bois. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Masereel a fait preuve d'engagement en condamnant les massacres et les horreurs de 39-45. L'enregistrement radiophonique ci-dessous explique la vie et le combat de cet artiste à travers quelques unes de ses oeuvres réalisées au cours de cette tragédie internationale, notamment celles de son recueil Destins (1943).
Max Jacob : une vie d’artiste
Augustin Leclercq et Antoine Asselin
Nous allons évoquer la vie de Max Jacob, artiste mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Né en 1876 à Quimper d’une famille juive non pratiquante d’origine Ashkénaze, il s’appelle en fait Max Alexandre. Son grand-père né dans la Sarre et installé à Quimper a fait fortune dans la confection. Il a monté des ateliers de confections et de broderies bretonnes et ouvert plusieurs succursales, dont un magasin où il est possible de trouver toute sorte de choses bretonnes (utilisant la mode celtisante, il se fait styliste et invente même un "style breton" de mobilier). Au moment de son mariage avec une Parisienne, le père de Max Jacob, Lazare Alexandre, dirige lui les équipes de tailleurs-brodeurs de l'entreprise. Jacob était le deuxième prénom, que sa mère avait insisté pour lui donner à la naissance. À 12 ans, quand la famille décide de prendre le nom de famille de sa mère (Prudence Jacob), il devient Max Jacob.
Amedeo Modigliani , Portrait de Max Jacob, Vers 1916, Musée de Cincinnati (Etats-Unis), CC - Wikimedia Commons. Max Jacob, Autoportrait, 1901, Dessin - CC - Wikimedia Commons - Source de l'image : TuduriClaude, « Max Jacob, cet inconnu », Études, 2004/3 (Tome 400), p. 361-371.
Après avoir échoué dans ses études à l’école coloniale et avoir été réformé de son service militaire pour insuffisance pulmonaire, le jeune Max commence une carrière de journaliste à partir de 1898. A 25 ans, il rencontre Pablo Picasso, un immigré espagnol sans le sou. Ils partagent ensemble la chambre de Max. Les deux amis vivent dans la pauvreté et Max enchaine les petits boulots pour survivre. Il renonce à sa vie de journaliste quand il comprend l’écart entre le langage pratiqué par la profession et son rêve de devenir écrivain. Il publie son dernier article en décembre 1901.
Il tente alors une vie en Province et revient dans son Quimper natal. Déçu par le métier de menuisier, il rentre à Paris. Il habite Quai aux Fleurs et se laisse influencer par Pablo Picasso qui l’entrainera vers l’art moderne. C'est alors une vie de bohème dans le Montmartre du début du XXème siècle, où Max gagne péniblement sa vie de petits métiers. Influencé par le groupe d’artiste qu’il fréquente, composé de Picasso et d’Apollinaire, il s’essaie bien sûr au cubisme.
Au cours des années 1910, Max Jacob élargit ses horizons et fréquente de nouveaux artistes comme André Gide, Paul Valéry, Jules Romains, André Breton ou Blaise Cendrars. Il en profite pour se concentrer à nouveau sur l’écriture et termine son Mémoires Apocryphes. Avant la guerre, il fréquente les cercles d’artistes du Montmartre de la belle époque à l’image des Soirées de Paris, organisé par Apollinaire et dont il est souvent l’invité. Après la guerre, il développe une pensée mélancolique et nostalgique qui s’oppose au matérialisme de Paris en fête.
Dans les années 20, il découvre son homosexualité platonique pour un étudiant : Pierre-Mickel Frenkel. Il se dit « infecté » par lui. Il continue en parallèle de se construire une destinée d’artiste et accède alors pleinement à la renommée.
Il continue sa carrière d’écrivain dans le Paris des années trente, et vit selon ses amours. Par malchance, il est hospitalisé pendant plusieurs mois à la suite d’un accident de voiture et d’une pneumonie. C’est notamment pendant cette période qu’il écrit son Bourgeois de France et d’ailleurs.
Après avoir été abandonné par son amant, René Dulsou, en 1936, il se retire dans sa maison à Saint-Benoit sur Loire. Sa retraite y sera définitive. Il connait pendant la guerre une déchéance progressive et subit le sort qui est imposé aux juifs. Sa conversion dans les années 20 et sa nationalité française ne l’épargne pas et il se cache à Orléans. Il est cependant arrêté le 24 février 1944 et est interné pendant quatre jours à la Prison militaire d’Orléans. Il est ensuite déporté au camp d’internement de Drancy où il meurt le soir du 5 mars 1944. Ironie malheureuse du sort, le 6 mars, la Gestapo (après la pression de ses nombreux amis) appelle Charles Trenet pour annoncer la libération de Max Jacob.
Boris Taslitzky : l'expérience concentrationnaire à travers la peinture
Helysa Crichan & Lucie Grandjean

Plaque en hommage à Boris Taslitzky au 5 rue Racine (VIe arrondissement, Paris), sur l'immeuble où le peintre a vécu de 1954 à 2005.
Quelques oeuvres évoquées dans l'enregistrement : - Dessins de guerre, 1944-45, Buchenwald 1, © Évelyne TASLITZKY - Boris Taslitzky, Le petit camp, aquarelle, 1945, Musée de la Résistance de Champigny-sur-Marne. - Boris Taslitzky, Le petit camp de Buchenwald, 1945, © M.N.A.M Centre Georges Pompidou, Paris - Source : Boris-Taslitzky - site d'Évelyne Taslitzky













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